
La chanteuse, dont les tubes ont marqué les années 1980, sera début mai en concert à Bordeaux. Ses hauts, ses bas, elle évoque avec franchise et enthousiasme sa drôle de vie
Surtout ne pas dire : « Enfant, j'adorais vos chansons ». On s'était promis d'éviter ce compliment plus désobligeant qu'autre chose, mais fatalement, dans le feu de la conversation, la remarque a fini par surgir et briser le barrage de la bienséance. Réaction amusée de Jeanne Mas : « On me le dit souvent, ça ne me vexe pas du tout ! C'est déjà génial d'avoir pu compter à un moment de leur vie pour tant de gens... » Exilée aux Etats-Unis, la chanteuse, qui sera bientôt en concert à Bordeaux, revient sans détour sur son parcours.
Que devenez-vous Jeanne Mas ? À quoi ressemble votre vie aujourd'hui ?
J'habite depuis seize ans dans l'Arizona. J'ai créé avec une associée une petite société de production audiovisuelle. On travaille sur des clips, des documentaires, des court-métrages. Notre activité a été suspendue pendant la crise pandémique : je me suis alors reconvertie en « Covid compliance officer », la personne chargée, sur les tournages, de garantir le respect des protocoles sanitaires. C'est mon nouveau job (rires) ! Je continue aussi à chanter, à créer des chansons, proposer des concerts...
Il paraît qu'aux États-Unis, vous ne vous faites pas appeler Jeanne Mas...
Exact, parce que je n'ai pas très envie que les gens connaissent ma vie en France dans les années 1980. C'est une époque que j'ai adorée, mais j'ai peur qu'ils me prennent pour une extraterrestre ! Pour vivre tranquille, rien de mieux que l'anonymat. Je suis venue aux États-Unis pour me réinventer, pour changer de vie...
Vous aviez besoin d'oublier « Jeanne Mas » ?
Oui, quand je me suis installée ici, j'avais en moi le poids douloureux des échecs, des trahisons. J'ai connu la chute. J'ai sans doute, à un moment de mon parcours, déçu le public, ça fait partie de mon chemin. Je me suis relevée, en explorant d'autres choses, en allant de l'avant. J'ai une nature fondamentalement positive, allègre, vivante.
Vous avez publié une autobiographie, « Réminiscences », parue chez Flammarion, qui commence en 1983 : vous ne parlez pas du tout de votre enfance...
Non, car c'est une autobiographie artistique, et je n'ai jamais eu envie de tout révéler, et d'exposer médiatiquement mes parents.
La chose amusante, c'est que certaines personnes pensent que vous êtes franco-italienne...
Non, j'ai grandi à Garches et Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine, je participais à plein de spectacles à la salle municipale... Mais à 17 ans, je suis partie vivre en Italie, à Rome, et c'est là-bas que ma vie a changé : j'ai commencé à tourner des pubs et j'ai rencontré des musiciens qui m'ont offert des chansons. Je suis revenue à Paris avec quelques titres, que je suis allée présenter aux maisons de disques, qui n'en ont pas voulu jusqu'à ce que je finisse par avoir un contrat chez RCA. Au début, on me faisait faire des choses très étranges et éloignées de moi, comme un premier 45-tours disco, façon Donna Summer... Tout a explosé pour moi avec mon premier album, « Jeanne Mas », en 1985... C'était de la folie, on vendait 30 000 disques par jour.
Vous écrivez les paroles, et les musiques sont signées par Romano Musumarra, grand producteur de tubes des années 1980 (« Ouragan » pour Stéphanie de Monaco, « T'en va pas » pour Elsa)... Comment était-ce de bosser avec lui ?
Dur ! Il a un talent évident, ses compositions et ses arrangements ont fait beaucoup pour le succès de mes chansons. Mais nos tempéraments étaient incompatibles. C'est quelqu'un d'assez distant, qui pouvait même être cruel. Un soir, alors qu'on me remettait un disque d'or avec le groupe Talk Talk, en présence de journalistes, il me glisse dans l'oreille : « Franchement, je ne comprends pas ton succès ». Vous vous rendez compte de l'effet que peut produire une telle phrase...
« Toute première fois », « Johnny Johnny », « Sauvez-moi », « En rouge et noir », vos chansons arrivent en tête des ventes ,vous remplissez le Palais des sports et Bercy, vous recevez deux Victoires de la musique, tout le monde vous connaît... Comment, avec le recul, expliquez-vous ce succès fulgurant ?
Je ne suis pas nécessairement la mieux placée pour l'analyser... Je pense qu'il y a à la fois la qualité des chansons, leurs mélodies efficaces, très grand public, les arrangements de Romano, et ma sensibilité, ma personnalité qui tranchaient avec le profil des chanteuses à succès depuis les yéyé, souvent très jolies, très soignées, bien maquillées. Moi, j'arrivais avec mon look de punkette, mes accessoires pas possibles, comme des boulons, un maquillage outrancier, une coupe bizarre... ça collait bien à l'esprit des années 1980. On sentait une envie de différence, d'excentricité.
Vous avez aussi travaillé avec Daniel Balavoine...
C'était un ami, j'adorais « Tous les cris les SOS » : quand il m'a fait écouter cette chanson, je l'ai supplié de me la donner, mais il n'a pas voulu, et il a bien fait, il la chante superbement !
Est-ce vrai que vous avez passé des essais pour « L'Été meurtrier » ?
Oui, avec Jean Becker, qui est un amour d'homme. Mais face à la grande Isabelle Adjani, je ne faisais pas le poids.
Comment expliquez-vous qu'à la charnière des années 1980-1990, vos chansons aient rencontré moins de succès ?
J'ai eu envie, besoin même, de me renouveler, d'évoluer vers autre chose, je ne voulais pas être enfermée dans le personnage de Jeanne Mas. J'ai rompu avec Romano. Je suis devenue maman, ce qui a transformé ma sensibilité. Le public n'a pas compris mon évolution. J'ai eu l'impression que tout se retournait contre moi, mais c'était peut-être le prix à payer pour ma liberté artistique. Depuis, j'ai fait une dizaine de disques, dans des registres très différents, électro, rock... Même s'ils se vendent beaucoup moins, ils m'ont procuré beaucoup de plaisir.
Quel sera le concept du concert que vous proposerez à Bordeaux (1) ?
Il s'inscrit dans une série de concerts qui a été reportée en raison de la crise sanitaire. C'est un format plutôt intimiste. L'idée est de panacher des chansons et des anecdotes, des confidences, sur mon parcours, ma vie, d'interagir avec le public, de me promener entre mes différents répertoires... ça devrait être très sympa !
Interview : Julien Rousset (Sud-Ouest)
BLEUCITRON, Posté le vendredi 22 avril 2022 12:14
@Visiteur du 22042022 : "tu gardes quoi ? ''la soirée de 2018 aux folies'' ? C'est à dire, tu fais quoi? On a pas compris..." : En effet. :) 2018 aux Folies ? Je pense que "mis à part" la date - 2018 au lieu de 2014 - il veut dire qu'il a un tel bon souvenir de ce concert qu'il veut rester sur ce souvenirs. @Alan29nord : " même dans les derniers interviews on la ramène au passé.." : Normal. Ca ne la dérange pas on dirait et l'article est très bienveillant dans le début. Bien à toi. :)